lundi 30 décembre 2013

[voeux] 2013, sans rancune... So what, 2014?


Chère 2013,

J’espère que tu vas bien, et que tu n’es pas trop triste de nous quitter. Perso, j’ai un peu de mal à te laisser partir sans qu’on ait discuté. Tu vois, je pense qu’il est judicieux qu’on se pose un peu toutes les deux, et qu’on se dise ce qu’on ressent vraiment. Pour faire le bilan, se remémorer chaque instant, parler des histoires d’avant comme si… STOP, je m’égare. Bref oui, il est temps qu’on se parle.

Ca a mal commencé entre nous. Pourtant, tu es un nombre multiple de trois, ce qui dans mon cerveau légèrement toqué, me convenait pas mal. Puis en numérologie (toqué et mystique, double peine), ça me faisait une année "1" (la méthode de calcul numérologique peut se discuter plus tard, ce n’est pas le propos là) soit de nouveaux projets, d’innovation, un programme HYPER aguicheur.

Mais j’ai vite compris que tu t’étais mise d’accord avec fin 2012 pour installer un climat triste (et froid jusqu’en juin, mais ok, je ne te ferai pas porter le chapeau de la météo, c’est notre faute, le réchauffement climatique, tout ça). Tu m’as fait pleurer 2013. Sérieux, tu avais fait le pari d’exploser le record de lacrymalitrie (étym : lacrymal/pluviométrie), c’est ça ? C’était un concours entre toi et 2012, parce que je vous préférais 2011, 2008 ou 2006 (bien que ce ne soient pas des multiples de trois)?

Entre les manifs surréalistes défendant des schémas sociétaux obsolètes ou les tribunes racistes qui ont fait écho ici et là (pour la dimension macro de mon raisonnement) et les incompréhensions qui ont rythmé mes rapports avec mon entourage (dimension micro), tu m’as lessivée 2013. J'ai perdu foi en moi et en l’espèce humaine. Tu m’as fait douter, chuter (satané verglas de mars), tu m’as trompée, tu m’as fait louper des événements que j’attendais, tu m’en as gâché d’autres auxquels j’assistais, tu m’as lancé des reproches que je ressasse encore, et s’il n’y avait que moi… mais  tu m’as surtout rendue inquiète pour mes proches. Oh t'affole pas, je te rassure, ON EST COOL, CA VA. 



Je sais ce que tu vas dire: je suis injuste, une gamine gâtée qui manque de reconnaissance. J’y viens, 2013, j’y viens. On a eu nos bons moments, et c’est ce que je retiendrai, promis :

Tu m’as émue quand ils se sont dits oui en juillet. Quand j’ai vu ma famille aux mains d’un festival pour les uns, d’une pizzeria pour l’autre. Quand j’ai entendu résonner mes mots en chanson.

Tu m’as fait rire souvent, avec lui, et elle, et lui, et elles, et eux. Tu étais drôle lors de nos picnics estivaux qui se terminaient tard. Tu m'as fait rire (enfin, après coup) quand tu m’as rendue plus saoule que ça ne m'était jamais arrivé. Quand on a fait une battle musicale contre des anonymes quai contre quai en chantant du Aznavour au pied de Notre-Dame. Quand, avec vingt personnes, on a répété en pleine nuit, au milieu de la rue, une chorégraphie inventée en secret deux jours avant.


Tu m’as réconfortée entre deux trajets de métro, en faisant un détour pour me rejoindre, et dans des textos plein de bon sens.

Tu m’as scotchée quand tu m’as donné des responsabilités inattendues, avec un contrat d’adulte.

Et puis tu étais belle de nuit, 2013. Drôle souvent. Imprévisible. Insouciante.

Alors oui, je retiendrai…

L’odeur des draps de ma chambre d’hôtel en Floride, et des rues de l’Amérique, un violent  retour de boomerang façon madeleine de Proust, ivre de sensations laissées derrière moi cinq ans auparavant.

Les sons en espagnol que soudain je n’ai plus de mal à comprendre.

Ce regard un samedi soir de printemps. Et mon cœur qui bat très fort avant.  

Leurs yeux à eux et à nous qui pétillent, et la robe blanche.

Les vertiges d’une route en lacet sous la pluie battante d'août, les sourires des enfants à l’autre bout du monde, quelque part sur une île d’Indonésie.

Les foules anonymes et grisantes des milongas et des concerts.

Merci 2013, bye bye. Avant de fermer la porte, juste, tu veux pas glisser quelques idées à ton successeur? 

*         *         * 
       

En 2014, je vous souhaite que l’été ne se pointe pas en retard. De refaire le monde jusqu’à trois heures du matin même si vous travaillez tôt le lendemain. De cinématographiquement courir à perdre haleine pour rejoindre celui/celle que vous aimez (oui j'ai un cœur de midinette). Je vous souhaite de rater vos tartes au citron et de vous étouffer de rire en les goûtant. Je vous souhaite des applaudissements.
Je vous souhaite de dire, d’oser, d’aimer. Je vous souhaite d’être en bonne santé, de chuchoter des oui et de crier des non – et le contraire – de poser les questions les plus idiotes, d’obtenir les réponses, de vous impatienter, d’acheter des croissants au petit matin, de danser sur les bureaux de vos supérieurs, de bien vous entendre avec vos voisins, de perdre ces foutus trois kilos s’il le faut vraiment. Je vous souhaite des road-trips, de vous coucher sans vous démaquiller, je vous souhaite des soirées sages et des matinées folles -- et le contraire, des déjeuners de junk food et des superstitions farfelues, je vous souhaite de gagner au loto ou au flipper, de tenir vos plans pour l’avenir, je vous souhaite de vous surprendre, d’être ému, d'être révolté...

Je vous souhaite l’imprévu & l’évidence. 




[texte: L.D - Photo: Nora F. - tous droits réservés.]

vendredi 13 décembre 2013

(Parenthèse)



"Qu'est-ce que tu penses faire?"
-Partir ! 
-Ca je sais, merci. Tu vas où? 
-Tu m'accompagnes? Si tu viens avec moi, je te donne le programme: il est question de pirogues à pêcheurs et de plages ensoleillées. Les couchers de soleil y sont roses. On se douche au seau d'eau froide en revanche. Mais tu ne viendras pas, alors peu importe.
-Tu dramatises toujours." 
Elle sourit: "Oui c'est ma spécialité. On se revoit quand?"

Il avait refusé de répondre. C’était le deal en même temps : chacun devait choisir une destination lointaine et partir, seul, pendant plusieurs jours. « Une pause pour faire le point » comme dit l’euphémisme, et se confronter au fait de ne pas pouvoir compter sur l’autre, le "double"  -- quatre ans déjà qu’ils étaient ensemble. 

Depuis c’était devenu un jeu : ils se demandaient à tour de rôle où ils iraient et pour faire quoi. C’était son idée, à elle ; il avait trouvé ça stupide et déraisonnable. Il pressentait un voyage roots, dont le décalage horaire empêcherait toute communication ; il l’imaginait dans un pueblo perdu d’Amérique Latine… Mauvaise pioche, pensait-elle à part elle. Elle le voyait, lui, dans un pays nordique, urbain, où il aurait tout à loisir de passer des nuits à sortir et à "sociabiliser" ("tu me vois passer chaque instant de mon temps à draguer… tu vis dans un cliché" s’était-il agacé). 

Les amis aussi avaient grimacé : "C’est un break de riches". Ca l’avait mis mal à l’aise. Elle aussi, si prompt d'ordinaire à s’angoisser de l’avenir. Mais elle avait haussé les épaules en souriant, un peu gênée : "Peut-être. On va dire que ce sont des vacances, si ça vous choque moins." Dans le métro, elle avait jeté un "on les emmerde" carnassier. Il avait souri : elle savait passer de la douceur incarnée à la peste intolérante en trente secondes chrono. Cette petite chose toute douce se révoltait du regard, crachait des mots assassins contre le monde entier… et en culpabilisait l’instant suivant. 

La suite c’était là maintenant, la veille du départ. Ce dernier dîner tous les deux. Envolés les derniers mois d’incompréhension, les rancœurs et les tensions. Dans l’urgence de profiter, la fin rend complice. 

"On se revoit quand ?" répéta-t-elle.
-Ca va être bien, éluda-t-il. On se raconte au retour."

*                                 *                                 *

Il était 10 heures passées quand les couleurs de Nagari Sungai Pinang se dessinèrent devant elle. Après deux heures de route, dont une partie passée à sauter sur la banquette arrière du truck, remuée par les nids-de-poules et crevasses boueuses de la route, elle sortit de la voiture, chancelante, la boule au ventre – sorte de mécanisme hérité de l’enfance à l’arrivée dans un lieu inconnu.

Il faisait grand soleil, il faisait chaud bien sûr, et déjà, elle était accueillie à la Guest House. On lui confia son bungalow, on lui indiqua l’heure approximative des repas, et elle se retrouva là, à contempler l’eau depuis sa cahute sur pilotis. 


Le long de la plage, des petits garçons chahutaient dans l’eau, les hommes remontaient les bateaux de pêche. Elle parcouru le village et croisa quelques visages silencieux… Les regards étaient méfiants. Seuls les enfants s’approchèrent et la suivirent en criant en anglais : "Hello what’s your name ?" ; question à laquelle elle répondit dans un indonésien approximatif. Ils rirent.

Le lieu était idyllique mais ne se laisserait pas apprivoiser si facilement. Trois bungalows et une guest house: à cette période de l'année, ils étaient moins d’une dizaine de touristes. Une partie de l’argent perçu servait au développement du village. Cependant, aux regards suspicieux croisés, le projet n’était pas encore totalement bien accepté par tous les habitants.


Difficile de faire plus dépaysant. Elle trempa ses pieds dans l'eau -- les pieds, car traditions obligent, les femmes n'étaient pas autorisées au maillot de bain bikini sur la plage longeant le village, il fallait se rendre sur des zones plus isolées. Là, sous la lumière crue et vive, limite insupportable, du soleil, SON absence lui fut soudain insupportable. La boule au ventre était montée à la gorge : pleurer dans un décor de rêve, c’était à la fois cinématographique et ridicule. 

Et puis la mélancolie disparut… les trente cinq degrés et l’eau transparente y aidèrent pas mal. La tristesse laissa place à une seule certitude : lui, c’était LUI. "Cheesy",dirait-il s'il l'entendait penser. Bon, une fois ce constat accepté, il fallait faire avec l’angoisse de songer que peut-être son voyage à lui, lui démontrerait le contraire… Et l’instant suivant, elle jetait ces considérations dans l’océan bleu qui venait lécher les pilotis du bungalow. 


Les trajets sur les embarcations étroites des pêcheurs souriants finirent de la conquérir, à l'heure où les sommets nuageux de Sumatra s’assombrissaient sous le sunset mauve.

La Guest House semblait une bulle, où les jeunes guides bavardaient facilement, à la différence des autres habitants. Le soir venu, même les réserves polies tombaient ; ils se moquaient gentiment, et charmaient à la guitare. Le temps s’étirait longuement au bout du monde.


[textes et photos: L.D - tous droits réservés]




Soundtrack 
Warpaint "Love is to die"

mercredi 28 août 2013

Dans les terres Minangkabau

[CARTE POSTALE]


Weekend de fête dans les villages d'Indonésie, c'est la date anniversaire de l'indépendance, telle que proclamée par Sukarno, le fondateur du parti national indonésien le 17 août 1945 (les Pays-Bas ne la reconnaîtront qu'en 1949). 

Les villages succèdent aux rizières le long de la route qui part de Bukittinggi pour s'enfoncer dans les terres minangkabau de cette région de l'ouest de Sumatra.

Le peuple Maningkabau a ceci de particulier qu'il conjugue l'islam avec une tradition matrilinéaire (qui repose sur une ascendance maternelle), héritée de croyances animistes ancestrales.

Le pont de Bukittinggi et sa structure de toit reconnaissable de l'architecture minangkabau  

Jour de marché, village du Lac Maninjau

Le jeu que l'on retrouve un peu partout en ce weekend de fête, c'est celui-ci: les jeunes s'enduisent de graisse et tentent de grimper un mât. Au sommet, des sachets de petits cadeaux: snacks, mini jouets, pacotilles... 

A force de croiser des attroupements similaires, d'observer de loin ces silhouettes peinturlurées de brun -- de la graisse donc -- nous nous arrêtons. Diversion... quelques minutes, nous sommes devenus l'attraction. Mais le jeu reprend vite ses droits. Dans les cris d'encouragement des plus petits, les garçons se défient à tour de rôle, et s'entraident pour hisser l'un d'eux à la victoire.





[Crédits photos et vidéo: L.D & T.H. Tous droits réservés.]

mercredi 14 août 2013

[cliché] Parisian Summer




"Viens, on rentre à vélo!
-Non j'aime pas.
-Tu dis toujours ça, mais tu n'aimes pas quoi, à la fin?
- Je sais pas, j'aime pas les voitures, les talons qui glissent sur les pédales, les...
- Allez attrape un vélo.
- Bon d'accord."
Nancy Sinatra & Lee Hazlewood - "Summer wine"




Quelques minutes d'apprivoisement plus tard, le vent dans les cheveux, les rues désertes qui filent en un bruissement, le cliquetis régulier des chaînes abîmées, les lumières orangées de la nuit parisienne, et la sensation de connaître tellement bien le trajet à pied que le parcours à vélo est un par cœur facile.


"Huhuuu!!
-Ah tu vois! Si tu arrêtais de râler avant coup! cria-t-il, quelques mètres devant elle.
-Je ne râle pas, je me méfie!
- ..."

Elle le rejoint en trois coups de pédale.

"Tu me trouves parisienne? 
-Tu veux dire, depuis que tu prends le vélo, ou de manière générale? 
- Tss. Je crois que je suis très parisienne, mais en même temps, je ne me vois pas vivre ailleurs."

 Paris, XIIème

Girls in Hawaii - "Summer Storm"



[Photos: L.D - Tous droits réservés]

lundi 17 juin 2013

D é p a r t

 Paris, 11ème, printemps 2013


[SCÈNE DE LA VIE QUOTIDIENNE] Il la regarda s’éloigner. Elle lui sourit dans un dernier regard, juste avant d’être avalée par le flot de personnes qui descendaient et montaient dans ce métro. Un sourire triste. Elle avait beau relever le menton  et se donner un air fier, des flammes (des larmes ?) dansaient dans ses pupilles et criaient ses regrets.

Elle était consciente que ses expressions dissimulaient mal son émotion. Mais il était plus facile, plus poli, plus convenable pour qu’aucun des deux ne perde la face, que ces simulacres tiennent lieu d’adieux. Que personne ne s’effondre, merci, il peut arriver pire dans la vie.

Elle avait souri : il sentait la mascarade, et il s’en satisfaisait. Il chercha à se convaincre, d’ailleurs, que si elle avait souri, c’est qu’elle n’allait pas si mal, c’est que ce n’était pas si grave. Il soupira : il regrettait de la voir dans cet état, la situation ne lui plaisait pas non plus, lui aussi doutait de leur relation, de lui, de tout. C’était comme ça, point ! Laissons le temps (le destin ?) faire les choses, et voilà.

Métro parisien, ligne 9

Le signal lumineux. La sonnerie. Les portes qui claquent en se refermant. Les silhouettes des voyageurs restés à quai qui se distendent avec la vitesse puis disparaissent. Elle souriait encore. Triste. Mais les larmes ne venaient pas. Elle était allée à ce rendez-vous déjà résignée, assez sûre qu’ils ne s'écouteraient pas (plus ?): la discussion avait été naturelle, complice, apaisée ! Mais ce n’était que des mots qui meublent, qui font mine d’analyser les problèmes raisonnablement, tout en faisant manifestement semblant de ne pas voir l’iceberg. Naufrage imminent. Tant pis… Aucun des deux ne se comprenait-il vraiment ? Le métro filait.

Il était ressorti de la station, il rentrait à pied. Il remit ses écouteurs. C’était con, parfois, la vie.

. . .

"But i leave my way, and i smile" Nora Fadlaoui, Look Out For Hope


Look out for hope* par OrianaFluoda

*Parmi mes textes se cachent aussi des chansons – écrites la nuit, dans le métro, ou aux terrasses des cafés en attendant mes amis en retard. "Look Out For Hope" est ma première collaboration, avec à la composition et au chant, la très douée Nora Fadlaoui (gardez bien ce nom en tête!).

[photos: L.D Tous droits réservés]

lundi 3 juin 2013

Fake American Dream

[CARNET DE ROUTE]



"Hé toi, ça va ?"

La femme qui m’aborde a une quarantaine d’années. De grands yeux verts clairs, des cheveux blonds mi-longs, décoiffés.

Il est 16 heures et une longue file commence à s’étendre le long du Miami Rescue Mission, sorte de Secours Populaire américain. Tous les jours, le centre distribue « la soupe » gratuitement.

Je suis assise sur le trottoir, discrète… Le caméraman est un peu plus loin, essayant de laisser apprivoiser sa caméra aux gens du quartier. L’air est électrique. On nous apostrophe, on se méfie… Que viennent chercher deux étrangers ici ?

"C’est juste que je n’aime pas voir une fille seule ici."

Ce jour-là, Virginia est la seule femme Blanche venue chercher à dîner. Elle regarde avec dédain les autres, des hommes en grande majorité, Afro-Américains pour la plupart.

"Ils te bousculent, ils te maltraitent si tu n’es pas de leur clan. Je n’ai rien à voir avec ces gens."

Virginia est diplômée, a eu quatre business, n'a "rien d'une alcoolique ni d'une junkie."

La vie l’a mise à la rue, et elle n’en peut plus de la vie. Son compagnon, chapeau de cowboy blanc vissé sur la tête, la regarde de loin me raconter son histoire, l’air résigné…

Elle vit depuis trois ans dans la rue. Un jour, la roue économique a tourné et son business n’a plus marché, elle a dû mettre la clé sous la porte, elle a manqué d’argent, elle ne pouvait plus payer son loyer. Elle a vécu dans sa voiture jusqu’à ce que les policiers la lui prennent. Je n’ai pas compris le motif. Elle s’est opposée, ils l’ont brutalisée.

"Les flics nous poussent à la violence, ils sont violents, on devient haineux. On nous pousse au crime, je comprends les gens qui deviennent meutriers ! C’est trop dur ici."

La suite s’est jouée dans la rue. Virginia est venue du Michigan en Floride. La misère sous le soleil…
Elle n’a personne d’autre que son compagnon. "Je tiens pour lui. Je me suiciderais s’il n’était pas là."

Ses yeux verts ne me lâchent pas. "Tu me comprends ? C’est comment en France ? Toi tu fais quoi ?"

On lui a volé son portable. Alors elle a perdu l’unique numéro de téléphone auquel elle tenait, celui de son père, 70 ans, seul membre de sa famille pour qui elle s'inquiète... Elle se met à pleurer.

"I’m tired. I’m tired of life."

Dans la foule des gens qui attendent que les portes s’ouvrent, il y a quelques visages croisés le matin alors que j’étais en reportage dans la clinique sociale toute proche.

J’y avais suivi Mark. 
Mark était cuisinier à Fort Lauderdale (Floride), avant d’avoir un accident de voiture. Une jambe fracturée et une voiture immobilisée plus tard, il a perdu son travail. Plus d’argent, plus d’appartement, la rue. Descente américaine.

Mark avait accepté de me raconter son histoire, mais je ne sais pas s’il en avait vraiment envie. Son regard gentil cachait une montagne de timidité  -- montagne au sens propre, étant donnée la taille colossale de Mark. L’équipe du Miami Rescue Mission, qui conduit des programmes de réinsertion, l’avait promu à la « sécurité ». Pour faire simple, Mark surveille la salle d’attente de la clinique, joue les vigiles d’une cour des miracles qu’on a du mal à imaginer enflammée et volubile – le jour de notre visite, seulement deux patients dans la salle, dont un unijambiste – en échange de quoi, le Miami Rescue Mission lui offre gîte (le dortoir commun) et le couvert.

16h15, la longue file de zombies, pauvres, sans-abris, junkies, familles avec enfants se met en branle. 

Daisy regarde de loin. Daisy, dominicaine nonchalante -- ou noncha-lente, c'est selon – était mon contact au Miami Rescue Mission. Cette petite femme d'une quarantaine d'années illustre à elle seule les paradoxes du "charity care" à l’américaine : contente de me faire faire le tour, mais il ne fallait pas que ça prenne trop de temps… Si nous l’avions écoutée, nous aurions dû sortir la caméra tout de suite, faire nos plans sans nous présenter et repartir de la même façon. Ambiance « bienvenue au zoo des pauvres ». Contente de me vanter les qualités des programmes de réinsertion du centre mais agacée dès qu’un des résidents vient lui adresser la parole. 

On nageait en plein prosélytisme chrétien, "amour et sens de la communauté" et en même temps, Daisy ne concevait pas qu’on ne trouve plus la force ni la foi d’essayer de s’en sortir. Son discours semblait nous dire que si tout à coup tu dégringoles de l'échelle sociale, c'est de ta faute, et si tu n’arrives pas à t’en sortir, c’est de ta faute aussi. Eux proposent des programmes, si tu le veux vraiment, c’est facile. Je reste perplexe.

Un vieux Cubain vient interrompre ma conversation avec Daisy pour nous raconter qu’il fait des rêves prémonitoires. Que l'on se méfie, le dernier disait que Clinton serait bientôt assassiné. Il avait appelé la police pour les prévenir mais personne ne voulait le prendre au sérieux. Daisy le renvoie sèchement, en espagnol, dans la file.

Les plus jeunes sont en bout de queue. Ils ont une trentaine d’années. L’un d’eux a des yeux bleus en amande magnifiques. Fin, mat de peau, un sourire d’errance. Camé. Il me demande ma « major » à l’université (ma « spécialité »). Il me demande d’où je viens. Il me parle de Nicolas Sarkozy. Il plane et disparaît comme les autres dans le centre. 

En quarante minutes, il n’y a plus personne dans la rue du Wynwood District.




[photos: L.D. Tous droits réservés]

lundi 13 mai 2013

Les murs de Wynwood

[STREET ART]

Oubliez tout de suite la plage, les culturistes, les touristes bruyants, j'étais dans la B-Side de Miami, son downtown joliment rétro, ses drogués au crack et son périph' aérien.

*Wynwood district*




Situé au nord du downtown Miami, entre la 20ème et la 36ème rue, à l'est de la route nationale I-95, Wynwood rassemble à lui seul les contrastes de la ville: il est le quartier des porto-ricains, il est une pépinière culturelle -- on compte 70 musées et galeries -- et à quelques blocs des impressionnants "murals", se forme tous les jours à 16h une longue file de homeless venant chercher à manger (ce sera pour le prochain post).










[crédit photos: L.D. Tous droits réservés]

vendredi 19 avril 2013

Do you text?


#COLLECTIONNEUSE



[TEXTOS CHOISIS]

 « Ici la petite s’endort, douce fin d’après-midi, puis voilà les heures plus sombres. Vive nos meilleurs moments. »

« Quatre heures de sommeil en pointillés, ELLE triste qui nous abîme. Dur dur la reprise. »

« Rentre, mange et bosse sur l’ordinateur avec un verre de vin et un peu de crumble. Mort aux cons et forza Che Guevara ! »

« Profite bien de ta retraite, à vendredi pour un tetris ou bien quelques niveaux de Mario. »

« J’ai raté mon train, le long et tout vétuste qui va chez mes parents. Du coup on nage dans l’auto-dérision, Noël a mis la fièvre ! »

« Trois ans après, ces crazies courent toujours après un ballon, s’habillent toujours pareil et n’en finissent plus de rénover le stade. Mais je regrette le tailgating et les jolies robes des sororities les jours de match. »

« OMG ! I had a corn bread dream! I was a greedy farmer from Minnesota with a highly suspicious moustache! »


*Soundtrack épistolaire


*bonus track (pour le clin d’œil biarrot)



[photos: L.D. Tous droits réservés.]

lundi 1 avril 2013

Spring Song



[MOTS] Parce que le printemps arrive à petits pas (si si, faut y croire), que cette année il a amené avec lui mes 25 ans, parce qu’il souffle un vent de légèreté et de projets, and because despite everything, Paris makes feel alive.




Début de soirée, Montparnasse. Elle s'était retrouvée à l'étage des départs, son sac à dos de voyage et son sac à main tenus à bout de bras. Un sentiment d'urgence l'habitait. D'urgence et d'angoisse. Que faire? Partir, rester? De quoi avait-elle envie, vraiment? Que les éléments décident pour elle, qu'elle n'ait pas de choix à faire, allez!

Les gens se pressaient autour d’elle, leurs pas bruissaient mais elles ne les voyaient qu’en coin, flous, ces anonymes volant vers des ailleurs pour le weekend. Une légère tension électrisait atmosphère, rappel des heures de grève un peu plus tôt ayant conduits de nombreux passages à retarder leur départ pour cause de trains annulés. D’ailleurs si elle était, elle aussi, au milieu du hall à encore se demander quand elle partirait dans une ville du Sud, c’était aussi à cause (ou grâce ?) à ces annulations de train. Si elle l’avait pris comme prévu en début d’après-midi, si elle était arrivée comme prévu suffisamment tôt pour prendre un verre avec son amie d’enfance, elle ne se retrouverait pas dans la file d’attente des guichets aux départs immédiats.

« Mon train a été annulé ce matin… On est sûr que celui de 19h35 part bien ?

-Ah oui oui mademoiselle, il partira bien. Je vous confirme ce départ ?

-Le premier demain matin, c’est celui de 8h10 ?»
 

Soupir du guichetier qui ne peut pas comprendre les hésitations de sa cliente, qui peut encore moins décider pour elle et qui aimerait bien terminer une journée mouvementée, un peu trop éprouvante, comme à chaque mouvement social. Il tapota brièvement sur la souris et afficha les trains suivants sur le trajet demandé.

« C’est ça, oui.

-Hum, euh… Il est plus cher ?

-Un peu plus cher oui.

-Hum, euh… »

Le guichetier leva un regard vers elle et dans un mouvement de sourcil relevé, lui indiqua qu’il attendait une décision. Elle sentit son cœur battre plus fort.

« Je prends celui de demain matin. »C’était sorti tout seul, comme en urgence, c’était sorti tout seul, comme une évidence. Et c’était bien cela. Ce soir, sa place n’était pas dans le train. Elle n’avait pas pu. Elle avait choisi. Enfin, elle avait surtout osé suivre son instinct qui lui disait que ces quelques prochaines heures à Paris chambouleraient tout.


[…]

[textes et photos L.D Tous droits réservés]

lundi 25 mars 2013

Night Coincidences

#SPYGAME

*night guessings from the kitchen window, Charonne

 
 
 
It's 10 o'clock and it's all dark outside

Lights popped up as many neighbours' lives

Which stories do these boxes tell tonight

And which one is mine ?


[crédit photo L.D]