[CINEMA] Vous ne vous êtes jamais arrêtés
dans un square à regarder « les autres », jeunes couples qui
surveillent leur premier enfant sur le toboggan, adolescents qui se pressent en
se bousculant, personnes âgées qui discutent sur un banc, et à leur imaginer
une vie ? Vous n’avez jamais regardé par la fenêtre les voisins du
bâtiment d'en face, tout près, dont l’absence de rideau permet de saisir quelques
bribes de vie quotidienne ? (et bien moi si, et je consignais tout dans
des petits carnets oranges, ce parce que j’avais beaucoup aimé Harriet L’Espionne de Louise Fitzhugh)
Dans le court-métrage La Vie
Parisienne, il y a un square comme il y en a plusieurs dans Paris, au milieu du
boulevard, quelques arbres séparant les promeneurs de la circulation. Il y a ce
couple qui joue au ping-pong. Tous les mercredis et parfois le samedi. On a
l’impression que Vincent Dietschy passait par là, les a regardés et en a réalisé
un court-métrage qui les raconterait : La Vie Parisienne, nommé aux Césars
dans la catégorie Meilleur Court-Métrage. Marion et Pierre sont beaux, ils sont
professeurs, ils sont amoureux, ils sont de gauche… « J’avais envie de
travailler avec Milo [McMullen, actrice et chanteuse, un faux air de Liv
Tyler en moins ingénue] et de faire quelque chose autour de la conjugalité »
dit le réalisateur et scénariste. Passé par l’IDHEC (ex-Fémis), Vincent
Dietschy a déjà réalisé des long-métrages dont Didine, avec Géraldine Pailhas,
Christopher Thomson et Benjamin Biolay (2007) et travaillé avant cela avec
entre autres Laurent Cantet et Gilles Marchand (Qui a tué
Bambi ?, 2003).
Dans la routine de Marion et
Pierre (interprété par Serge Bozon) surgit Rémi, amoureux d’enfance de Marion.
Excentrique et libre, Rémi s’incruste dans la vie du couple en proposant là une
soirée chic dans un palace, là de dormir à trois – sinon lui-même dort parfois
sur les bancs des squares – et accepte ici un duel au ping-pong. Pierre est agacé,
Marion est troublée. « L’acteur qui joue Rémy [Esteban, ndr] est tellement
original, avec sa voix si particulière, sa façon même de parler, qu’il en
devient dérangeant mais dans le même temps, il nous accroche, » souligne
Vincent Dietschy.
C’est ce jeu à trois, à la fois futile
et citadin, que raconte Vincent Dietschy dans une esthétique qui rappelle la
Nouvelle Vague, Christophe Honoré (qui appellent eux un univers finalement assez « parisien »), dans le jeu
des acteurs et leur phrasé, dans le découpage en chapitres. C’est aussi coloré et pop :
aux images poétiques de Marion sous la neige succède un jubilatoire
passage chanté (et chorégraphié) en allemand où une tentative de baiser se
trouve démultipliée par les ajouts successifs de différentes prises.
La parenthèse intrusive dans la
vie parisienne de Marion, Pierre et Rémi se referme après une quarantaine de
minutes ; en ce moment, Vincent Dietschy travaille sur près de sept
projets à la fois, parmi lesquels un qui lui donnerait la possibilité de donner
une suite à ce trio.
Pourquoi ce titre, "La Vie Parisienne"? Vincent Dietschy : « Parce que dans le long
métrage à venir, dont le court est extrait, la jeune femme, Marion, vit au
début en grande banlieue, à Melun, et emménage chez son compagnon, qui habite à
Paris. Parce qu'il y a une opérette d'Offenbach qui s'appelle "La vie
parisienne" , qui n’est pas sans rapport avec mon film, et que j'aime bien
Offenbach. Parce qu'il y a une revue de petites annonce cul et échangistes, qui
existe depuis des dizaines et des dizaines d'années, et qui s'appelle "La
vie parisienne". Parce que dans le film, grâce au dispositif léger que
j'ai choisi, la vie parisienne éclate partout, dans les coins et les recoins, à
chaque plan, et que pour moi, c'est aussi ça le spectacle du film, celui de la
vie parisienne, la vie de ces gens qui s'agitent et marchent d'un pas pressé ou
se posent dans un café. J'ai remarqué que dans d'autres grandes villes
françaises, comme par exemple Lyon, le rythme, le "flow" des gens est
beaucoup plus lent. Je suis sûr qu'on peut reconnaître la terrasse d'un café
parisien à la terrasse d'un café lyonnais à la rapidité des gestes qu'on les
serveurs, les clients. »
La Vie Parisienne, réalisé par Vincent Dietschy, 2011, 36 mn, avec Milo McMullen, Serge Bozon, Esteban, Mona Walravens. Produit par Sombrero Films. Le film a notamment reçu le prix Jean Vigo 2012.
*Thoughts on parisian style…
C’est le slalom entre les gens toujours
trop lents dans les couloirs du métro (même le dimanche),
C’est le taxi à 2h30 heures du matin, et lui
raconter combien les hommes de ce soir-là étaient relous , combien les hommes
de notre vie nous ont déçues, combien notre sourire cache de névroses en tout
genre.
C’est
acheter son croissant à 6 heures du matin en rentrant avec les premiers métros
et en prendre un deuxième pour le colocataire. Et en compter les calories.
C’est payer tout trop cher, râler, et
recommencer.
C’est refaire le monde jusqu’à trois
heures du matin, avec une tisane ou un verre de vin, et fumer à la fenêtre,
C’est le zapping, les agendas qui se
remplissent trop vite, la peur d’être seul, les trottoirs bondés de la rue de
Rivoli, les répertoires à rallonge, le manque d’engagement, les retards sans
excuse, les séances de ciné tardives, le réconfortant petit épicier toujours
ouvert,
C’est les sushis qui sauvent le dîner et le
brunch qui réveille le dimanche,
C’est sortir, c’est danser, c’est parler
fort, c’est se perdre en analyses foireuses et en blagues douteuses,
Ce sont les terrasses bondées, les talons
qui claquent sur le pavé, les barbes mal rasées,
C’est partir au boulot avec des cernes qui
racontent la soirée de la veille, et le teint gris qui cherche le soleil,
C’est son sourire qui nous attend à la
station de métro.
[photo D.R et L.D]