Chère 2013,
J’espère que tu vas bien, et que
tu n’es pas trop triste de nous quitter. Perso, j’ai un peu de mal à te laisser
partir sans qu’on ait discuté. Tu vois, je pense qu’il est judicieux qu’on se
pose un peu toutes les deux, et qu’on se dise ce qu’on ressent vraiment. Pour
faire le bilan, se remémorer chaque instant, parler des histoires d’avant
comme si… STOP, je m’égare. Bref oui, il est temps qu’on se parle.
Ca a mal commencé entre nous. Pourtant,
tu es un nombre multiple de trois, ce qui dans mon cerveau légèrement toqué, me
convenait pas mal. Puis en numérologie (toqué et mystique, double peine), ça me
faisait une année "1" (la méthode de calcul numérologique peut se
discuter plus tard, ce n’est pas le propos là) soit de nouveaux
projets, d’innovation, un programme HYPER aguicheur.
Mais j’ai vite compris que tu t’étais
mise d’accord avec fin 2012 pour installer un climat triste (et froid
jusqu’en juin, mais ok, je ne te ferai pas porter le chapeau de la météo, c’est
notre faute, le réchauffement climatique, tout ça). Tu m’as fait
pleurer 2013. Sérieux, tu avais fait le pari d’exploser le record de
lacrymalitrie (étym : lacrymal/pluviométrie), c’est ça ? C’était un
concours entre toi et 2012, parce que je vous préférais 2011, 2008 ou 2006 (bien
que ce ne soient pas des multiples de trois)?
Entre les manifs surréalistes
défendant des schémas sociétaux obsolètes ou les tribunes racistes qui ont fait
écho ici et là (pour la dimension macro de mon raisonnement) et les incompréhensions
qui ont rythmé mes rapports avec mon entourage (dimension micro), tu m’as lessivée 2013. J'ai perdu foi en moi et en l’espèce
humaine. Tu m’as fait douter, chuter (satané verglas de mars), tu m’as trompée, tu m’as fait louper
des événements que j’attendais, tu m’en as gâché d’autres auxquels
j’assistais, tu m’as lancé des reproches que je ressasse encore, et s’il n’y
avait que moi… mais tu m’as surtout rendue inquiète pour mes proches. Oh t'affole pas, je te rassure, ON EST COOL, CA VA.
Je sais ce que tu vas dire: je suis injuste, une gamine gâtée qui manque de reconnaissance. J’y
viens, 2013, j’y viens. On a eu nos bons moments, et c’est ce que je retiendrai,
promis :
Tu m’as émue quand ils se sont dits oui en juillet. Quand j’ai
vu ma famille aux mains d’un festival pour les uns, d’une pizzeria pour l’autre.
Quand j’ai entendu résonner mes mots en chanson.
Tu m’as fait rire souvent, avec lui, et elle, et lui, et elles,
et eux. Tu étais drôle lors de nos picnics estivaux qui se terminaient tard. Tu m'as fait rire (enfin, après coup) quand tu m’as rendue plus saoule que ça ne m'était jamais arrivé. Quand on a fait une battle
musicale contre des anonymes quai contre quai en chantant du Aznavour au pied
de Notre-Dame. Quand, avec vingt personnes, on a répété en pleine nuit, au milieu
de la rue, une chorégraphie inventée en secret deux jours avant.
Tu m’as réconfortée entre deux trajets de métro, en faisant
un détour pour me rejoindre, et dans des textos plein de
bon sens.
Tu m’as scotchée quand tu m’as donné des responsabilités
inattendues, avec un contrat d’adulte.
Et puis tu étais belle de nuit, 2013. Drôle souvent.
Imprévisible. Insouciante.
Alors oui, je retiendrai…
L’odeur des draps de ma chambre d’hôtel en Floride, et des rues
de l’Amérique, un violent retour de boomerang
façon madeleine de Proust, ivre de sensations laissées derrière moi cinq ans
auparavant.
Les sons en espagnol que soudain je n’ai plus de mal à
comprendre.
Ce regard un samedi soir de printemps. Et mon cœur qui bat
très fort avant.
Leurs yeux à eux et à nous qui pétillent, et la robe
blanche.
Les vertiges d’une route en lacet sous la pluie battante d'août, les sourires des enfants à l’autre bout du monde, quelque part sur une
île d’Indonésie.
Les foules anonymes et grisantes des milongas et des concerts.
Merci 2013, bye bye. Avant de fermer la porte, juste, tu veux pas glisser quelques idées à ton successeur?
* * *
En 2014, je vous
souhaite que l’été ne se pointe pas en retard. De refaire le monde jusqu’à
trois heures du matin même si vous travaillez tôt le lendemain. De cinématographiquement
courir à perdre haleine pour rejoindre celui/celle que vous aimez (oui j'ai un cœur de midinette). Je vous
souhaite de rater vos tartes au citron et de vous étouffer de rire en les
goûtant. Je vous souhaite des applaudissements.
Je vous souhaite de dire, d’oser,
d’aimer. Je vous souhaite d’être en bonne santé, de chuchoter des oui et de
crier des non – et le contraire – de poser les questions les plus idiotes, d’obtenir
les réponses, de vous impatienter, d’acheter des croissants au petit matin, de
danser sur les bureaux de vos supérieurs, de bien vous entendre avec vos
voisins, de perdre ces foutus trois kilos s’il le faut vraiment. Je vous
souhaite des road-trips, de vous coucher sans vous démaquiller, je vous
souhaite des soirées sages et des matinées folles -- et le contraire, des déjeuners de junk food
et des superstitions farfelues, je vous souhaite de gagner au loto ou au
flipper, de tenir vos plans pour l’avenir, je vous souhaite de vous surprendre, d’être ému, d'être révolté...
Je vous souhaite l’imprévu &
l’évidence.
[texte: L.D - Photo: Nora F. - tous droits réservés.]