mercredi 27 février 2013

La Vie Parisienne

[CINEMA] Vous ne vous êtes jamais arrêtés dans un square à regarder « les autres », jeunes couples qui surveillent leur premier enfant sur le toboggan, adolescents qui se pressent en se bousculant, personnes âgées qui discutent sur un banc, et à leur imaginer une vie ? Vous n’avez jamais regardé par la fenêtre les voisins du bâtiment d'en face, tout près, dont l’absence de rideau permet de saisir quelques bribes de vie quotidienne ? (et bien moi si, et je consignais tout dans des petits carnets oranges, ce parce que j’avais beaucoup aimé Harriet L’Espionne de Louise Fitzhugh)

Dans le court-métrage La Vie Parisienne, il y a un square comme il y en a plusieurs dans Paris, au milieu du boulevard, quelques arbres séparant les promeneurs de la circulation. Il y a ce couple qui joue au ping-pong. Tous les mercredis et parfois le samedi. On a l’impression que Vincent Dietschy passait par là, les a regardés et en a réalisé un court-métrage qui les raconterait : La Vie Parisienne, nommé aux Césars dans la catégorie Meilleur Court-Métrage. Marion et Pierre sont beaux, ils sont professeurs, ils sont amoureux, ils sont de gauche… « J’avais envie de travailler avec Milo [McMullen, actrice et chanteuse, un faux air de Liv Tyler en moins ingénue] et de faire quelque chose autour de la conjugalité » dit le réalisateur et scénariste. Passé par l’IDHEC (ex-Fémis), Vincent Dietschy a déjà réalisé des long-métrages dont Didine, avec Géraldine Pailhas, Christopher Thomson et Benjamin Biolay (2007) et travaillé avant cela avec entre autres Laurent Cantet et Gilles Marchand (Qui a tué Bambi ?, 2003).



Dans la routine de Marion et Pierre (interprété par Serge Bozon) surgit Rémi, amoureux d’enfance de Marion. Excentrique et libre, Rémi s’incruste dans la vie du couple en proposant là une soirée chic dans un palace, là de dormir à trois – sinon lui-même dort parfois sur les bancs des squares – et accepte ici un duel au ping-pong. Pierre est agacé, Marion est troublée. « L’acteur qui joue Rémy [Esteban, ndr] est tellement original, avec sa voix si particulière, sa façon même de parler, qu’il en devient dérangeant mais dans le même temps, il nous accroche, » souligne Vincent Dietschy.

C’est ce jeu à trois, à la fois futile et citadin, que raconte Vincent Dietschy dans une esthétique qui rappelle la Nouvelle Vague, Christophe Honoré (qui appellent eux un univers finalement assez « parisien »), dans le jeu des acteurs et leur phrasé, dans le découpage en chapitres. C’est aussi coloré et pop : aux images poétiques de Marion sous la neige succède un jubilatoire passage chanté (et chorégraphié) en allemand où une tentative de baiser se trouve démultipliée par les ajouts successifs de différentes prises.

La parenthèse intrusive dans la vie parisienne de Marion, Pierre et Rémi se referme après une quarantaine de minutes ; en ce moment, Vincent Dietschy travaille sur près de sept projets à la fois, parmi lesquels un qui lui donnerait la possibilité de donner une suite à ce trio.

Pourquoi ce titre, "La Vie Parisienne"? Vincent Dietschy : « Parce que dans le long métrage à venir, dont le court est extrait, la jeune femme, Marion, vit au début en grande banlieue, à Melun, et emménage chez son compagnon, qui habite à Paris. Parce qu'il y a une opérette d'Offenbach qui s'appelle "La vie parisienne" , qui n’est pas sans rapport avec mon film, et que j'aime bien Offenbach. Parce qu'il y a une revue de petites annonce cul et échangistes, qui existe depuis des dizaines et des dizaines d'années, et qui s'appelle "La vie parisienne". Parce que dans le film, grâce au dispositif léger que j'ai choisi, la vie parisienne éclate partout, dans les coins et les recoins, à chaque plan, et que pour moi, c'est aussi ça le spectacle du film, celui de la vie parisienne, la vie de ces gens qui s'agitent et marchent d'un pas pressé ou se posent dans un café. J'ai remarqué que dans d'autres grandes villes françaises, comme par exemple Lyon, le rythme, le "flow" des gens est beaucoup plus lent. Je suis sûr qu'on peut reconnaître la terrasse d'un café parisien à la terrasse d'un café lyonnais à la rapidité des gestes qu'on les serveurs, les clients. »


La Vie Parisienne, réalisé par Vincent Dietschy, 2011, 36 mn, avec Milo McMullen, Serge Bozon, Esteban, Mona Walravens. Produit par Sombrero Films. Le film a notamment reçu le prix Jean Vigo 2012.



*Thoughts on parisian style…

C’est le slalom entre les gens toujours trop lents dans les couloirs du métro (même le dimanche),

C’est le taxi à 2h30 heures du matin, et lui raconter combien les hommes de ce soir-là étaient relous , combien les hommes de notre vie nous ont déçues, combien notre sourire cache de névroses en tout genre.

C’est acheter son croissant à 6 heures du matin en rentrant avec les premiers métros et en prendre un deuxième pour le colocataire. Et en compter les calories.

C’est payer tout trop cher, râler, et recommencer.

C’est refaire le monde jusqu’à trois heures du matin, avec une tisane ou un verre de vin, et fumer à la fenêtre,

C’est le zapping, les agendas qui se remplissent trop vite, la peur d’être seul, les trottoirs bondés de la rue de Rivoli, les répertoires à rallonge, le manque d’engagement, les retards sans excuse, les séances de ciné tardives, le réconfortant petit épicier toujours ouvert,  

C’est les sushis qui sauvent le dîner et le brunch qui réveille le dimanche,

C’est sortir, c’est danser, c’est parler fort, c’est se perdre en analyses foireuses et en blagues douteuses,

Ce sont les terrasses bondées, les talons qui claquent sur le pavé, les barbes mal rasées,

C’est partir au boulot avec des cernes qui racontent la soirée de la veille, et le teint gris qui cherche le soleil,

C’est son sourire qui nous attend à la station de métro.


[photo D.R et L.D]

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